vendredi 6 mai 2016

UN RÊVE SE RÉALISE !



Dans ma jeunesse, j’ai fait du kayak de rivière. Pendant les grandes vacances, mon épouse, notre fille et moi faisions de la plongée sous-marine avec un Zodiac. Nous avons aussi eu un cabinier pour naviguer en Mer du Nord. Bref, l’eau, la mer est notre terrain de prédilection. Comment passer des vacances agréables, aventureuses, excitantes au bord de mer sans embarcation ? C’est la question qui m’est revenue depuis que nous habitons à 500m du bord de mer dans le nord-ouest de la Crète, à Kasteli-Kissamos dans le nôme de Chania.

La première idée qui nous est venue à l’esprit est l’achat d’une barque à moteur. Les barques grecques sont belles, bon-marchées à l’achat, mais moins belles toutefois que les barques espagnoles, du moins à mon goût. Mais une barque implique une attache-remorque, une remorque, une autorisation de remorquer, des frais et taxes divers, une imposition d’office, … trouvailles uniques de l’État grec pour rentrer des fonds dans les caisses. Il faut une barque de moins de 2m50, sans moteur hors-bord, pour être exempté de taxes ! Un Sportyak ou un Fun Yak. L’idée a été remisée aux oubliettes. Comme j’aime emmener un chien avec moi, j’ai pensé à un kayak sit-on-top. J’en ai loué un. Ce n’était vraiment pas l’idéal. Un moment j’ai cru qu’un SUP serait amusant, mais à 69 ans je cherche un peu plus de confort, surtout que mon dos me rappelle régulièrement à l’ordre. J’ai pensé à une yole ou quelque chose d’approchant, mais là aussi il faut une remorque. J’ai pensé à tout et n’importe quoi plutôt que de ne rien avoir.

De fil en aiguille, cherchant, lisant, étudiant, je suis tombé sur les canoës et j’en suis tombé amoureux. Leur forme, l’idée qu’on s’en fait de partir à l’aventure, en camping dans une petite crique isolée, la place, tout me plaisait. Le choix est restreint en Grèce. Qu’à cela ne tienne, je suis allé glaner sur les sites allemands, anglais, français pour en apprendre d’avantage. Je suis resté bouche-bée devant les photographies des canoës artisanaux en bois, mais leur entretien me rebute. Une compagnie sort du lot, Weh-no-nah, mais à quel prix ! Ce qui m’a fait hésiter, c’est que partout, sans exception, il est écrit que le canoë est une embarcation pour les lacs et rivières, pas pour la mer. Or, on fait du canoë dans des rivières sauvages. Dès lors, pourquoi pas en mer ? Les Amérindiens n’allaient-ils pas en mer avec leurs pirogues ?

Peut-être suis-je un casse-cou, mais une chose était devenu certain : je voulais un canoë. Mon épouse me disait que j’étais fou. C’est vrai que la Méditerranée est trompeuse, dangereuse même. En Crète, où nous avons plus de 300 jours de soleil par an, où nous vivons dans le creux d’une grand baie, la mer peut être très agitée et il n’est pas rare, même en été que le vent souffle à du 4 à 5 Beaufort. Il y a des jours et des nuits où nous avons l’impression que le vent, la tempête va emporter la maison. Nous sommes aujourd’hui le 4 mai. Il est 3h de l’après-midi. Dehors la tempête fait rage et selon la météo, le vent souffle à 8 Beaufort ! Mais enfin, il y a aussi des jours où la mer est d’huile et où il n’y a pas un souffle de vent ! Le site météorologique officiel de Grèce donne quatre fois par jour des renseignements précis sur la hauteur des vagues, la vitesse du vent, le degré UV et des dizaines d’autres indications pour tous, y compris pour les plaisanciers. Alors, pourquoi  s’en faire ?

Le seul et unique problème incontournable est mon âge ! À 69 ans, mes capacités physiques sont forcément limitées. Comment vais-je transbahuter un canoë d’une trentaine de kilos ? De plus, j’ai une voiture monospace, haute comme un véhicule utilitaire. Ne ferais-je pas mieux de tout oublier et de rester dans mes pantoufles ? C’est ce que j’ai fait pendant deux ans. Je ne suis pas resté casanier, mais j’ai abandonné l’idée de m’acheter un canoë.

Mais je suis têtu ! Quand j’ai une idée en tête, je ne l’ai pas ailleurs. Avoir la mer là, tout près et n’en profiter qu’en nageant et en faisant un peu de plongée en apnée n’était plus suffisant pour me rendre heureux. Je suis retourné tapoter sur mon ordinateur et là, là m’est venue l’illumination !  Il me fallait un va’a, un vaka, un waka, bref une embarcation avec un stabilisateur ou même deux. Hélas ! Hélas ils n’existent qu’en modèle de compétition et ceux qui ne le sont pas, se vendent au diable vauvert. Puis un jour, sur un site américain, j’ai découvert une société qui vend des stabilisateurs, des pontoons, des outriggers pour canoës et kayaks, donnez-leur le nom que vous voulez et je me suis dit que j’étais sauvé, qu’avec cette aide, mon canoë devenait une embarcation plus stable, plus sûre, plus adaptée à mon grand âge. Restait un problème : trouver un canoë de prix abordable, neuf ou d’occasion, n’importe où mais de préférence en Grèce.

C’est sur un site d’une société allemande, spécialiste du canoë, que j’ai découvert pour la première fois les canoës en aluminium. Jamais auparavant, sur les dizaines de sites consultés, je n’en avais vu. Il s’agissait des canoës Osagian américains (www.osagian.com) et Linder suédois (www.linder.se). Ni une, ni deux, je suis allé sur leurs sites pour en apprendre d’avantage. C’est là que j’ai appris les énormes avantages qu’offre l’aluminium  comparé aux autres matières : moins onéreux à la fabrication, léger, solide, très résistant à l’oxydation et ne demandant qu’un minimum d’entretien. De plus, ils sont beaux comme des camions neufs ! Au fil de mes recherches, j’ai découvert le troisième larron, les Grumman, américains (www.marathonboat.com) eux aussi, fabriqués depuis 1945 sans interruption !

Linder est en Suède, c’est en Europe. Bien. Osagian et Grumman sont américains, mais le premier est monté au Danemark pour réduire les coûts de transports et de dédouanement pour les clients européens et le second est importé en Europe par plusieurs firmes, e.a. au Royaume-Uni et en Suède. D’occasion, tous sont rarissimes et pour cause : qui sait qu’ils existent si ce n’est quelques-uns en Angleterre et bien entendu dans les pays scandinaves où la quasi-totalité des canoës de location sont des Linder.

Sur les sites des trois marques, il y a la possibilité de retrouver les revendeurs par pays. Quelle ne fût pas ma surprise de lire que Linder était importé par une firme située au Pirée ! Leur site les montrait, sans grandes explications, mais avec les prix : 1.450€ pour le Linder Inkas 465L de 4m65 fabriqué en aluminium de 1mm d’épaisseur et pesant 28kg et 1.550€ pour le modèle Inkas 465 en 1,25mm d’épaisseur et pesant 33kg. Je laissai de côté les modèles de 4m95 et de 5m25. Magnifiques ! Ils sont magnifiques ! Leur forme rappelle bien la pirogue indienne. La finition semblait impeccable. De plus, sur le site de la marque, je découvre avec étonnement des accessoires permettant de faire de l’aviron ou de la voile avec un canoë. L’extase !

Je m’empresse d’envoyer un message au Pirée, leur demandant s’ils ont des canoës en stock. Car il ne suffit pas de savoir qu’il existe un importateur en Grèce, encore faut-il qu’il en ait importé ! Pas de réponse. J’essaie le téléphone. Il ne répond pas. Pendant des semaines je vais envoyer des messages, téléphoner tous les jours, sans succès, à tel point que je craignais que la firme soit fermée, comme tant d’autres en Grèce. J’en arrive à poser la question au fabricant, lequel ne me répond pas non plus. Enfin, après un mois, j’ai quelqu’un au téléphone, qui me dit être un des deux frères, propriétaires de la firme et qu’en effet, il a un Inkas 465L de démonstration pour lequel il peut m’envoyer une offre. Je la reçois le lendemain : 945€ ! Je m’empresse de leur téléphoner pour marquer mon accord, mais je tombe sur le frère qui n’est au courant de rien. Quelques jours plus tard, les dieux grecs aidant, je parviens à les joindre. Ils me proposent de m’envoyer des photos avant que je ne me décide à l’acheter. Une semaine plus tard, après de multiples coups de fil sans réponse, l’un d’eux me promet de m’envoyer les photos le lendemain, ce qu’il fait, à ma grande surprise. Elles montrent une seule griffe de 10cm sur un des côtés. Cela vaut bien 500€ de remise ! J’ai la chance de pouvoir les joindre le jour même pour leur dire que je l’achète, pour leur demander leur numéro de compte bancaire et pour les avertir que je leur enverrai un transporteur dans les prochains jours. Je me hâte d’aller à la banque, la même que la leur heureusement, et paye. De là, je vais chez le transporteur du coin pour lui demander d’aller chercher ou de me faire ramener mon canoë du Pirée jusqu’à Kasteli. Il accepte pour la modique somme de 75€. De retour à la maison, j’envoie au Pirée la copie de mon versement bancaire comme preuve de payement. Le lendemain, à 6h de l’après-midi, mon canoë était dans mon allée ! Ouf !

Je passe sous silence mes multiples messages en Angleterre, en Suède, en Allemagne pour demander le prix du transport d’un canoë vers la Crète, ayant dans l’idée d’en trouver un neuf ou d’occasion à l’étranger, ceci avant de trouver mon bonheur en Grèce.

Notre maison est isolée, clôturée, entourée d’oliveraies et a sur deux côtés un large espace bétonné de 6m de large sur une vingtaine de long. Sur un des côtés, j’ai une table de soudage de 2m sur 1m qui pèse une tonne, vu que le dessus est une tôle de métal de 6mm d’épaisseur. Mon épouse et moi avons hissé le canoë emballé dans du papier à bulles et entourée de plastique sur la table et l’y avons solidement arrimé. Vents et tempêtes pouvaient venir. Nous nous doutions bien que sous le plastique il y avait un canoë, mais de là à dire que nous pouvions le voir, l’admirer, il y avait un gouffre. Tant pis ! Mieux valait qu’il soit bien à l’abri en attendant que j’aie tous les accessoires et terminé mes petits travaux de préparation.

Dès que j’ai su que j’allais avoir mon canoë, j’ai commandé aux États-Unis les stabilisateurs. Je l’ai reçu une dizaine de jours plus tard après avoir payé 105€ de frais de dédouanement ! Mauvaise surprise, vite oubliée lorsque j’ai ouvert le paquet.
Une finition exemplaire, un ajustement pilepoil ! L’ensemble se compose de ce qu’ils appellent universal crossbar, une barre en aluminium de 40 pouces (101,6cm) de longueur, 7cm de large et 3cm de haut, laquelle s’attache avec de solides clips au plat-bord. La largueur est divisée en deux carrés de 3cm dont les dimensions internes sont de 2,6cm et dans lequel coulissent de chaque côté un tube en aluminium carré de 2,5cm. Ces derniers supportent à leur extrémité un tube vertical qui s’emboite dans le stabilisateur de 1m de long de couleur mangue. Un ingénieux système d’encliquetage permet de rentrer ou de sortir les tubes latéraux. Ils s’enlèvent d’un tour de main. La barre transversale, elle, reste bien entendu attachée au canoë. On peut l’obtenir de différentes longueurs, de 30 à 45 pouces de long ou sur mesure sur commande. Comme mon canoë a 85cm dans sa plus large largueur, j’ai choisi 40 pouces, ce qui me permet de l’attacher n’importe où.

Cette traverse n’est pas appelée pour rien « barre universelle ». En retirant les stabilisateurs, on peut y glisser de chaque côté une roue de transport.En laissant les stabilisateurs, le second carré, libre, accepte un ingénieux système permettant de faire de l’aviron ou des ailes de dérive lorsque l’on a le kit de voile. Il faut que vous jetiez un coup d’œil sur le site www.sailboatstogo.com ! L’année prochaine, je m’offrirai soit le kit pour faire de la voile, soit le système pour faire de l’aviron. Là, je ne crois pas que j’opterai pour la solution proposée par SailboatsToGo, mais bien pour le magnifique accessoire de chez Linder.
Quant aux avirons, ils sont déjà choisis : des SeaGrade de 270cm de long chez Oy Lahnakoski en Finlande (www.lahnakoski.fi) que je ferais venir d’Angleterre.


Vous pouvez vous douter que je n’étais pas resté les bras croisés pendant ces six semaines d’attente, d’angoisse. Il me fallait un porte-bagage.Je l’ai fabriqué avec des lames de métal et des tubes en PVC. Il me fallait un chariot de portage. Je l’ai fabriqué avec des tubes de PVC.
Persuadé que jamais je n’aurais la force de hisser ce canoë sur le toit de la voiture, j’ai cherché et trouvé un petit treuil électrique d’une capacité de 1.000kg et pesant 7kg que j’ai commandé en Angleterre (www.warriorwinch.co.uk).
En attendant qu’il soit livré, j’ai fabriqué une attache que j’ai montée sous l’avant de la voiture et une embase pour recevoir le treuil. L’attache était un tube de métal de 40 x 40mm de 2mm d’épaisseur dans lequel se glissait l’embase faite de tubes galvanisés de 30 x 30mm. Tout semblait parfaitement pensé.
Lorsque le treuil est arrivé, je l’ai monté, boulonné sur l’embase et fait un essai. Catastrophe ! Entre le tube de 40 et celui de 30 il y a 6mm de différence (l’épaisseur est de 2mm) ; l’embase se balançait dangereusement de droite à gauche. Je l’ai arrimé en tendant des sangles de chaque côté, attachées aux anneaux de remorquage. De plus, le fil électrique de la télécommande n’avait que 3m de long, ce qui ne me permettait pas d’aller jusqu’à l’arrière de la voiture. Le lendemain, je suis allé à la ville de Chania, à 45km de chez nous, pour acheter 5m de fil électrique et j’ai rallongé la télécommande. Pourquoi si loin ? Parce qu’ils n’avaient que du fil blanc dans notre patelin et il me fallait du fil noir.

Le lendemain, comme il faisait beau, nous nous sommes décidés à faire un essai avec le canoë. Nous l’avons enfin déballé et admiré, puis avons entamé le test de vérité. Pour que le canoë puisse monter sur le toit de la voiture, je devais actionner le bouton de la télécommande du treuil d’une main et lever l’avant du canoë de l’autre main. Par deux fois le nez du canoë s’est planté sous le toit, les deux portes-arrière étant ouvertes pour empêcher qu’il ne les cogne. À la troisième tentative, le canoë s’est levé et a poursuivi sa progression. Je le soutenais par l’arrière, par la poignée en bois lorsque soudainement il a basculé vers la droite et a failli se retourner ! J’ai appelé mon épouse à qui j’avais demandé d’observer le treuil à l’avant pour qu’elle vienne m’aider. En le soutenant à deux, il s’est enfin allongé sur le toit. C’est à ce moment-là que mon épouse m’a dit que l’embase du treuil penchait dangereusement vers l’avant du capot et qu’elle a bien cru qu’il allait tomber.

Imaginez-vous ! Le canoë pèse 28kg ; le treuil a une capacité de 1.000kg et malgré tout, la force exercée pour lever le canoë le fait se tordre et se pencher. Incroyable ! Il fallait absolument trouver une parade. Il fallait que je remplace le tube de 40 par du 35. Le lundi matin à la première heure je me rends chez mon quincaillier qui vend toutes sortes de ferrailles et lui demande s’il a du 35 x 35. Non, bien entendu ; c’est une mesure hors standard. Qu’à cela ne tienne, je lui demande de me le commander. De retour à la maison, n’ayant aucune confiance dans les Grecs, je cherche sur la toile et dégote un fabricant de tubes à Athènes qui a du 35 x 35. Je téléphone à mon quincaillier et lui donne le numéro de téléphone du fabricant. Sans confiance aucune, je cherche sur les sites allemands et croyez-moi, je trouve 1m de tube 35 x 35 de 2mm d’épaisseur sur Amazon ! Je le commande. Le jeudi, je me rends chez le quincaillier. Il n’a pas pris contact « faute de temps » ! Mon œil !  Je lui dis ce que j’en pense et lui dis aussi qu’il peut laisser tomber, que je l’ai commandé à l’étranger. Il en reste bouche-bée. Il ne me suffit plus que d’attendre.

En commandant sur Amazon, je reçois un numéro de suivi de la commande, un tracking number. Deux jours plus tard, je consulte le site. Ma commande a été envoyée quelque part dans le nord de l’Allemagne où la personne qui livre les paquets n’a pas trouvé l’adresse indiquée sur le paquet et l’a renvoyé au dépôt où des recherches ont établi que le paquet devait partir pour la Grèce. Il s’en va à Bologne, en Italie ! Pourquoi ? Je contacte le vendeur, qui est désolé, qu’il y a eu une erreur dans le libellé de l’adresse, mais que le paquet a quitté Bologne vers Athènes. Six jours plus tard il n’y a aucun mouvement du paquet, lequel, selon le site, est encore toujours à Bologne. Je téléphone à UPS à Chania. Une gentille dame me répond qu’il se trouve bel et bien à Athènes et qu’il sera probablement à Chania le lendemain. Or, le lendemain est le vendredi, la veille du long weekend de Pâques en Grèce. Croisons les doigts. Le lendemain la dame me téléphone pour m’avertir que mon paquet est arrivé et plutôt que d’attendre une incertaine livraison, je me hâte d’aller à Chania pour le réceptionner. J’envoie un message au vendeur pour lui dire que ma commande est arrivée. Il me répond : « Tant mieux ! Bien le bonjour en Espagne. » Il semblerait que pour eux, soit la Grèce est une province espagnole, soit la Crète une île espagnole. Compte tenu que mon paquet a été dérouté en Allemagne pour commencer, on peut se douter que le personnel de la firme soit composé essentiellement de retardés mentaux. Vingt-quatre heures plus tard, le tube était soudé sur son support, peint et boulonné sous la voiture. L’embase du treuil s’y glisse aisément ; le jeu n’est que de 1mm et de ce fait, l’ensemble ne se balance plus. Euréka !

La frayeur que nous avons eue lors de notre premier essai, le canoë qui s’était presque retourné, a fait dire par mon épouse qu’il me fallait une rampe de chargement pour guider le canoë. Il faut dire aussi que les canoës en aluminium ont parmi leurs avantages une particularité qui s’avère parfois être un défaut : ils ont une quille sur toute leur longueur qui leur permet de mieux garder le cap. En effet, les deux coques sont soudées ou rivetées ensemble formant une quille d’environ 3cm de haut. Les canoës en bois et en fibres composites ont un fond extérieur plat ; les canoës en aluminium se dandinent sur leur quille lorsqu’ils sont au sec. Il me fallait donc fabriquer une rampe avec des diabolos et des rouleaux comme sur une remorque bateau. Comme la voiture accepte sans sourciller une longueur de 2m, je décidai de faire une rampe de 2 x 2m en aluminium.

Mon quincaillier m’a vendu les tubes de 20 x 40mm ; j’avais des tubes en inox de 16mm de diamètre, des lames en aluminium de 40mm et le petit matériel, boulons, écrous Nilstop, etc. Lors d’un aller-retour chez un vendeur de bateaux à Chania j’ai commandé diabolos et rouleaux, que j’ai réceptionnés le même jour que je suis allé chercher le tube de 35 x 35 envoyé par Amazon.

La fabrication de cette rampe m’a pris 3 jours. Le problème majeur était de trouver une astuce pour emboiter de façon solide les deux morceaux de 2m. Je vous le dis immédiatement : malgré un assemblage que je croyais être parfait et solide, la rampe se creuse en son milieu lorsqu’elle est chargée. Qu’à cela ne tienne, je lui ai adjoint un soutien vertical central. L’un bout est attaché au dernier rouleau du porte-bagages avec des crochets ; l’autre bout a reçu un pied d’une cinquantaine de centimètres de haut, ce qui réduit fortement l’inclinaison de la rampe. Il suffit de soulever légèrement l’avant du canoë pour qu’il se pose sur le premier diabolo. Je vous passe sous silence les multiples essais et corrections. Heureusement, le temps était à l’orage et je n’avais pas à regretter de ne pas pouvoir partir enfin essayer mon canoë.


Pendant toute la durée des préparations, j’ai attendu avec impatience l’arrivée de ma pagaie. Eh oui ! Il fallait aussi une pagaie ! Elle est arrivée juste avant le tube. Quelle histoire ! J’ai vu des centaines de pagaies de canoë, les unes plus belles que les autres, droites ou coudées (bent shaft), massives ou fines, en queu de loutre ou de castor, de provenances diverses et j’en ai gardé quelques-unes dans mes favoris pour l’avenir. Comme je ferai du canoë seul, j’ai opté pour une double pagaie adaptée au canoë, de 2m60 de long, qui me permet de pagayer comme avec un kayak. Je n’en ai trouvé que trois en bois : le modèle Mistral de chez Grey Owl (www.greyowlpaddles.com)lequel ressemble comme deux goutes d'eau au modèle de chez Oak Orchard (www.oakorchardcanoe.com/canoepaddles.php)
dont les pales sont en bois et le manche en fibre de verre et le modèle Impression de chez Bending Branches (www.bendingbranches.com), entièrement en bois de tilleul, sauf la férule qui est en carbone.
J’ai commandé cette dernière en Allemagne. Elle est absolument magnifique et extraordinairement légère. Une vraie merveille ! J'ai longuement hésité à acheter une pagaie traditionnelle groenlandaise, éfilée, d'apparence spéciale comparée aux autres pagaies, mais il s'agit là d'une pagaie typique de kayak pour pagayer à plat qui ne convient pas pour faire du canoë.

Un canoë a des sièges. Le mien a deux sièges en aluminium recouverts de mousse compensée. Cela ne me suffit pas. Je voulais des dosserets. Un moment, j’ai pensé à acheter le dosseret en bois offert par la firme Linder, mais je me suis ravisé et j’ai commandé en Angleterre deux sièges de la marque américaine GCI Outdoor (www.gcioutdoor.com) : des sitbacker canoe seats.

Pour finir cette énumération assommante de mes tribulations, il faut que je vous précise pourquoi je parle à la première personne du singulier et non pas du pluriel, omettant ainsi de parler de la participation de mon épouse. L’explication en est simple : nous avons un chenil d’accueil pour chiens, les chiens étant notre passion ; nous en avons quatre. Il est donc hors de question de partir ensemble, car l’un de nous doit veiller sur nos visiteurs. Avec un peu de chance, il y aura bien un jour ou l’autre où nous n’aurons pas de visiteurs et si le temps le permet, nous partirons à l’aventure ensemble. La majeure partie du temps, j’irai seul, raison pour laquelle tout est pensé et organisé pour pouvoir me débrouiller seul. Mon épouse et moi avons de nombreuses activités communes, mais lorsque moi je reste à la maison à cause du temps, mon épouse, elle, fait de la marche nordique seule.

En attendant de vous livrer la suite de mes aventures, je vous propose d’approfondir vos connaissances du canoë en lisant les pages suivantes.

PREMIERE SORTIE

Prêt pour la première sortie! Bien chargé!

Notre première sortie en mer a été un vrai régal! La mer était calme; il n'y avait quasi pas de vent. L'idéal! Comme mon épouse n'a pas (encore) de pagaie, j'ai pagayé seul, ce qui ne pose aucun problème avec une pagaie double. La stabilité du canoë est phénoménale! A l'arrêt, nous nous sommes mis à le secouer de gauche à droite, nous avons échangé de place, il n'a pas bronché.

Suite à cette sortie, mon épouse s’est décidée à choisir sa pagaie. Elle a choisi la seule que personne n’a de stock, si ce n’est un magasin en Angleterre : une Grey Owl Pathfinder (www.greyowlpaddles.com). Elle est fabriquée avec du noyer, du noyer cendré, du cerisier et du tilleul. Sa particularité : une olive en forme de cobra, recourbée, afin de ménager le poignet.


La sortie a donc été concluante et amusante. Il n'en a pas été de même avec le treuil. Il tire bien le canoë sur le toit; il le retient bien lorsque nous l'en retirons, mais pour une raison que j'ignore le câble fait des boucles, empêchant son déroulement et enroulement normal et je suis obligé de dévider le câble entièrement à la main avant de l'enrouler à nouveau en le guidant. La seule explication possible est que le poids sur le câble n'est pas suffisant et que, lorsque le canoë bascule sur le toit de la voiture, il y a un moment où le câble n'a plus aucune tension. Quoi qu'il en soit, c'est la galère. De plus sa mise en place est difficile et il est lourd. Ce n'est pas une bonne solution.
A tout problème il y a une solution. Comment tirer le canoë sur le toit sans un treuil et sans devoir le lever, tirer, pousser et risquer un lumbago ? Le treuil était fourni avec un moufle, c’est-à-dire une poulie. J’ai fabriqué une nouvelle attache qui se glisse dans le tube à l’avant de la voiture. Sur cette attache, j’ai visé deux petites poulies de guidage pour une corde de 6mm. Le système D, D de démerdage est le suivant : la corde est attachée avec un mousqueton à un point fixe sous l’attache ; elle court sur une première petite poulie fixe à l’angle de l’attache, puis monte et s’enroule autour de la deuxième poulie en haut de l’attache ; de là, elle va s’enrouler autour du moufle attaché à l’avant du canoë et revient ensuite vers l’avant de la voiture. L’objet à tirer, le canoë, pèse 28kg. En le mouflant il ne pèse plus que 14kg, auquel il faut ajouter quelques grammes ou milligrammes dû à la friction et au fait que je ne tire pas en droite ligne ; bref, un petit 15kg. Essai fait, essai concluant ! Beaucoup plus rapide à mettre en œuvre que le montage avec le treuil. Treuil à vendre !

Deux problèmes : le premier, lorsque je veux faire descendre le canoë, seul à l’avant de la voiture, je ne sais pas lâcher la corde pour aller le tirer et le guider lorsqu’il bascule. Solution : un taquet coinceur attaché sur la partie verticale de l’attache. Il permet d’y coincer la corde le temps d’aller à l’arrière de la voiture. Le deuxième : le moufle du treuil est beaucoup trop lourd ; il fallait une poulie légère, mais suffisamment solide. Qui emploie une telle poulie et où ? Les plaisanciers sur un voilier. Après de longues recherches, j’ai trouvé et commandé au Pirée une poulie Harken, italienne, en matière composite. Elle ne pèse que 25gr et supporte un poids maximum de 220kg (poids de rupture : 544kg selon la compagnie. Or le poids de rupture d’une poulie est toujours le double du poids maximum au travail. Dans ce cas, 440kg. Quoiqu’il en soit, c’est amplement suffisant.). Dans la foulée, j’ai acheté un taquet coinceur de la même marque. Nous voilà parés au pire et à l’impossible, du moins c’est ce que j’espère. Suite au prochain numéro.



SECONDE SORTIE

Notre seconde sortie, par une journée ensoleillée, sur une mer d’huile, sans un seul souffle de vent, a été un réel plaisir. Notre système de levage avec poulie fonctionne à merveille. Le taquet coinceur est un atout majeur. C’est beaucoup plus rapide et facile. Au retour de notre randonnée, il a fallu tirer le canoë une trentaine de mètres sur du sable. Une roue s’était dégonflée et à l’arrivée à la voiture, nous avons constaté qu’un côté du chariot était brisé. Un chariot en PVC est peut-être bien pour un kayak de 10 ou 15kg, mais apparemment pas pour un canoë de 28kg, qu’il faut trimballer sur des galets et dans du sable. Il faut que je trouve une autre solution, solide cette fois. En attendant, réparons.


La boîte

Inutile de continuer à énumérer nos sorties. Nous sommes bien drillés pour charger et décharger le canoë ; faire du canoë est un plaisir à chaque fois renouvelé, que ce soit sur une mer d’huile ou balloté par les vaguelettes. Il faut que je vous parle d’autre chose, d’une autre invention de notre cru.

Soulever et retourner le canoë pour l’arrimer sur la table de soudage est une manœuvre qui prend du temps et consomme inutilement de l’énergie. La table devient de ce fait inutilisable, ce qui est ennuyeux. Voilà le premier aspect du problème. Le second a trait au remisage du canoë en hiver. Nous avons de la place à revendre, mais nous avons aussi des rongeurs qui se feront un plaisir de faire leur nid sous ou dans le canoë et de profiter de l’aubaine pour grignoter la mousse compensée qui recouvre les sièges. Il faut trouver un moyen de remiser le canoë sans se fatiguer, facilement, rapidement tout en le mettant à l’abri des insectes et mammifères rongeurs. Après mûre réflexion nous avons trouvé comme seule et unique solution, la boîte. Ce sera une boîte de 5m de long, de 1m de haut sur 1m25 de large, dont le squelette sera constitué de tubes galvanisés de 25x25mm recouverts de tôles galvanisées de 0,6mm d’épaisseur. Elle sera hermétiquement fermée, posée à même le sol sur 6 roulettes pour pouvoir la déplacer en cas de besoin et dont le fond intérieur comportera des rouleaux en PVC qui permettront d’y glisser le canoë sans effort aucun. Tout le matériel, rampe, stabilisateurs, sièges, etc., hormis les pagaies, sera déposé dans le canoë. Plus rien ne trainera nulle part ; tout sera à portée de main. Parfait ! Le canoë sera à l’abri dans sa boîte, laquelle sera callée contre le mur et retenue par la table de soudage. Le vent et la tempête pourront venir ! La voici!

Fabriquée en décembre, elle sera peinte au printemps. Mon canoë y dort le sommeil du brave en attendant des jours meilleurs, qui ne sauraient tarder d'ailleurs.

Cette première saison nous a beaucoup appris; nous avons aquis de l'expérience et une des raisons de ce blog est bien de vous en faire profiter.
Le chariot de portage p.ex. s'est avéré complètement inutilisable. Il est probablement adapté pour tirer un canoë sur un macadam lisse comme un miroir, mais pas pour rouler dans des pierres et des rocailles. Nous avons eu deux crevaisons deux jours de suite! De plus, il est instable. Qu'à cela ne tienne! Je suis retourné sur mon site américain, https://www.sailboatstogo.com/content/Aluminum_Motor_Mount_For_Canoes et y ai commandé une barre transversale universelle faisant également office de porte-moteur et qui permet aussi d'y glisser des accessoires, e.a. deux roues de portage. En voici une photo avec les deux stabilisateurs et un petit moteur électrique Minn-Kota. Mes stabilisateurs sont fixés à une barre transversale située au milieu du canoë; les deux roues de 40cm de diamètre viendront à l'avant.
Oui, à l'avant du canoë, devant le siège, parce qu'il y a là de la place, parce que c'est là que je m'assis lorsque je suis seul. L'avant du canoë devient l'arrière pour déplacer le centre de gravité vers le milieu. La photo ci-dessous montre comment il ne faut pas faire: tout le poids des accessoires, y compris le poids du pagayeur est à l'arrière. La pointe avant du canoë montre le ciel; la ligne de quille s'en trouve réduite.
 

J'ai choisi cette traverse porte-moteur, car je compte bien m'acheter un moteur électrique, mais certainement pas un Minn-Kota dont la batterie est séparée du moteur, mais bien un Torqeedo Travel 503S à batterie intégrée. Plus tard! D'ici là, j'attends avec impatience l'arrivée de ma commande. Elle est encore et toujours bloquée à la douane grecque.  
J'espère qu'ainsi, avec ses deux grosses roues, le transport sur les terrains grecs, sablonneux, empierrés, valonnés et malaisés pour paraphraser La Fontaine, sera plus facile. 

Reste le transport en voiture. J'en ai marre de perdre une heure à chaque sortie  pour monter et descendre le canoë du toit de la voiture, à l'aller et au retour. Il y a mieux à faire. Sans parler de l'effort que cela demande. J'ai vite fait ce mois de février 2017 de me faire placer une attache-remorque et je suis en pourparlers pour acheter une remorque pour canoë. Rien n'est simple en Grèce, encore moins en Crète. Il existe des fabricants de remorque-bateau en-veux-tu-en-voilà, mais sur le continent, pas en Crète. Un seul a daigné me faire une offre pour le modèle que je lui ai envoyé, mais sans certificat de conformité et pour un prix tellement élevé que j'ai dû chercher ailleurs. Or, une remorque pour un seul canoë est très, très simple! Un axe suspendu de préférence, des roues de 10 pouces et un axe longitudinal de 5 m de long. Sur ce dernier viennent se fixer deux ou trois barres perpendiculaires de 1 m sur lesquels sont attachées des attaches-canoë/kayak de chez Thule (ref. 874). J'ai trouvé une bonne pâte qui veut bien me la fabriquer et me l'envoyer jusqu'au Pirée d'où je dois me débrouiller pour la faire venir jusqu'en Crète. Il habite sur l'île de Xios, une île au diable vauvert qui jouxte la Turquie! Malgré mes efforts, je n'ai pas pu trouver plus loin ... Vivre sur une île a de nombreux avantages, mais aussi de gros inconvenients.
Voici le modèle duquel je me suis inspiré pour faire fabriquer la mienne sur mesure, sous-entendu que je l'aurai un jour ...
Et voici la mienne! Elle est arrivée, sans encombre. Les barres transversales, les porte-canoë Thule et les rouleaux blancs pour faciliter le glissage sont de mon cru, de même que l'arceau à l'avant lequel facilite le déplacement de la remorque. Plus besoin de se plier en cinquante-quatre; je reste debout et pousse. Maintenant, charger et décharger le canoë est devenu un jeu d'enfant! Cela me prend 5 minutes en tout et pour tout. Notre bébé a son garage et sa remorque! La table de soudage? Je l'ai offerte à un Arménien qui vient nous aider pour les gros travaux. Heureux!