Origine historique
Les embarcations humaines les plus anciennes sont des
pirogues monoxyles, construites à partir d'un tronc d'arbre évidé. Les
Nord-Amérindiens construisaient également ce type d'embarcations primitives, à
l'exemple de la pirogue monoxyle de la tribu Nuu-chah-nulth de l'île de
Vancouver, dont la coque est construite à partir d'un seul tronc d'arbre. Ces
pirogues en bois (genévrier, cèdre) partagent un style commun avec d'autres cultures
du Pacifique et elles étaient utilisées pour le transport côtier et la chasse
(rorqual, baleine grise).
Canoë amérindien en écorce
Le canoë des
Amérindiens avait un rôle central dans leur vie quotidienne et était utilisé
sur les lacs et rivières pour le transport, le travail (pêche, chasse,
cueillette), la guerre, les actes culturels, et l'exploration des territoires.
La
construction du canoë en écorce faisait appel à des techniques complexes, qui
variaient selon les régions et les populations. Le canoë était généralement
construit à partir d'une structure en bois, constituée de lanières de bois
(frêne). L'armature était ensuite recouverte de grands morceaux d'écorce
(mâchecoui), généralement de l'écorce de bouleau blanc cousus entre eux, ou
parfois de peaux. La couture pouvait être réalisée par des racines d'épinette
fendues dans le sens de la longueur. L'étanchéité et le colmatage des coutures
étaient réalisées avec de la résine de conifères.
Cette
embarcation était très légère (facilitant le portage), très maniable, mais
aussi très fragile. À titre d'anecdote, les Amérindiens ne toléraient pas que
les Européens montent dans leurs canoës avec leurs grosses bottes. De plus,
lorsqu'ils voulaient aborder la rive, les autochtones devaient se jeter à l'eau
pour éviter que le canot ne heurte la grève. Quand venait le temps de faire un
portage, le canot d'écorce était avantageux vu sa relative légèreté. Le canoë
typique en écorce de bouleau avait une longueur de 6 mètres et pouvait charger
jusqu’à 450 kg avec deux ou trois convoyeurs. L'usage du canoë était donc
limité aux régions forestières du bouleau ; les embarcations autochtones des
régions plus au sud étaient des pirogues, plus au nord des kayaks.
Canoë des colons Européens
En 1534
Jacques Cartier découvrit le canot des Micmacs, qu'il utilisa ultérieurement
pour certains de ses déplacements. Dès le début du XVIIe siècle, les colons du
Canada utilisent le canoë comme moyen de transport vers les contrées plus à
l'ouest ou au nord, devenant ainsi indispensable aux trappeurs, coureurs des
bois, aux marchands (commerce de la fourrure), et voyageurs. Les compagnies
marchandes améliorèrent le canot traditionnel, avec des constructions bien plus
imposantes : le « canot à voyageurs » ou le « canot à marchandises » appelé
aussi rabaska.
Le rabaska
ou canot de maître était à l'origine un grand canoë algonquien fait d'écorce. Le terme canot de maître lui a été donné ultérieurement du nom de
Louis Maitre, artisan de Trois-Rivières qui construisait ce genre de canot et
qui a permis la pénétration de l'Amérique par les explorateurs français et
canadiens aux XVIIe et XVIIIe siècles puis par les voyageurs jusqu'à la fin du
XIXe siècle. Il évoque l'implantation de la civilisation française partout en
Amérique du Nord, son adaptation au continent nouveau et son développement au
contact des cultures autochtones et des immigrants qui s'agrégèrent à elle dans
les siècles suivants.
Le mot
rabaska est un canadianisme, plus précisément du français québécois. Il est
originaire d'une altération du mot amérindien Athapaskaw, qui est commun aux
langues algonkiens et cris. La signification amérindienne de ce mot est «
herbes et roseaux ici et là ».
Les
dimensions d'un rabaska sont particulièrement impressionnantes. Cette
embarcation allongée fait environ dix mètres de longueur par un mètre cinquante
de largeur et est capable de contenir un équipage de plus de dix hommes et de
porter des charges allant jusqu'à 4 tonnes. La masse d'un rabaska est d'environ
150 kilos. Sur un rabaska, l'équipage typique est constitué de douze pagayeurs
distribués sur six bancs de nage et d'un barreur à l'arrière. Les qualités du
rabaska sont sa rapidité et sa robustesse. Son défaut est son tirant d'eau
élevé. Dans des rivières peu profondes, un échouement peut survenir. Pour
prévenir une dérive, les rameurs de proue doivent sauter à l'eau rapidement et
déloger l'embarcation.
Les
amérindiens utilisaient le rabaska pour les déplacements, le commerce ou la
recherche de sites nouveaux pour l'installation de leurs familles dans un
environnement viable. Le rabaska était l'embarcation privilégiée des marchands
de fourrure à cause de sa capacité de charge. Il servait autant au
ravitaillement des postes éloignés qu'au transport de la ressource fourrure.
Chaque printemps, des dizaines de canots de ce genre, manœuvrés par des
équipages aguerris, entreprenaient le long voyage à partir de Lachine,
(Montréal) vers les Pays-d’en-Haut, pour aller chercher les précieuses
fourrures et revenir au début de l'automne. Sa robustesse permettait
l'exploration et l'exploitation de territoires éloignés qui étaient
inaccessibles aux autres types d'embarcation. Certaines compagnies embauchaient
des chanteurs pour maintenir la cadence des pagayeurs et augmenter la production.
Aujourd'hui,
le rabaska est une embarcation de loisir pour les amateurs de plein air. Le
nombre élevé de pagayeurs et la stabilité de l'embarcation permet des moments
de détente et d'observation. Le rabaska connait également un engouement auprès
des sportifs en tant que sport de compétition au Québec. Chaque année, à la fin
du mois d'août se tient la Classique internationale de canots de la Mauricie,
où on peut également y voir une importante compétition d'équipes de rabaska.
Cette compétition de 3 jours fait la descente de la rivière Saint-Maurice, de
La Tuque jusqu'à Trois-Rivières sur près de 200 km.
Le canoë
devint également indispensable au XIXe siècle pour l'exploration du Nord-Ouest
canadien, par les prospecteurs miniers (ruée vers l'or) et prospecteurs
forestiers.
Ces voyages
furent l'objet de nombreux récits et représentations artistiques, créant un
imaginaire d'une nation et d'une nature sauvage fortement liées au canoë. De
même les récits et romans des XVIIIe et XIXe siècles créèrent en Amérique et en
Europe le mythe de l'aventurier solitaire, en communion avec la nature,
affrontant les dangers de la rivière sur son canoë.
À partir de
la moitié du XIXe siècle, la construction de canoës se rapprocha des techniques
de charpenterie européenne : le canoë était construit entièrement en planches
de bois (bordages à clin ou à franc-bord), ou bien bordé et recouvert de toile
de coton (peinte et vernie). Les premières compagnies de construction de canoës
apparaissent aux États-Unis (Old Town Canoe Company, 1880) et au Canada
(Peterborough Canoe Company, 1892). La construction de canoës d'écorce fut
ainsi abandonnée (avec la raréfaction du bouleau blanc), mais préservée de
l'oubli par de lointaines tribus amérindiennes. Au début du XXe siècle, le
canoë disparut progressivement comme moyen de transport utilitaire, remplacé
par le chemin de fer, les routes, et les embarcations à vapeur ou moteur.
Le canoë de loisir
Dès le XIXe
siècle apparait au Canada et aux États-Unis la pratique du canoë à des fins
récréatives (promenade, chasse, pêche), chez les militaires et la bourgeoisie
citadine. Cet engouement s'étend ensuite à l'ensemble des classes aisées,
attirées par des séjours dans les espaces naturels canadiens (Laurentides, Parc
Algonquin…).
Le
philosophe Henry David Thoreau est le premier à décrire le plaisir et les
aspects spirituels de la croisière en canoë ; dans son livre Une semaine sur les rivières de Concord et
Merrimack (1857) il décrit son voyage en canoë dans la nature sauvage du
Maine. Le concept du voyage en canoë par plaisir est encore popularisé par
différents auteurs et livres : A Thousand
Miles in the Rob Roy Canoe (1866) de John MacGregor, fondateur du Royal
Canoe Club britannique la même année. Robert Louis Stevenson décrit son périple
en France et Belgique dans Voyage en
canoë sur les rivières du Nord (1878).
Le
développement des voies de transport fluvial développa encore cet attrait, pour
les excursions dans la nature, et l'apparition vers 1900 du canot-camping.
L'Association canadienne de canot est créée en 1900, et dédiée au canoë de randonnée
(nature, chasse, pêche). Le canoë à voile était déjà utilisé par les
Amérindiens pour se déplacer sur les lacs. La pratique sportive a été abandonnée
vers 1920-1930.
À
l'identique des jeux traditionnels amérindiens, la première compétition de
canoë fut organisée au port d’Halifax en 1826. En 1860 est créé à Halifax le
premier club de canoë du Canada. Le canoë de compétition (régates), ainsi que le
canoë à voile (abandonné vers 1920-1930), prirent de plus en plus d'importance.
L'aspect sportif et compétitif poussa progressivement à l'écart les pratiques
de nature.
À partir de
la crise de 1929, l'engouement pour le canoë diminua très fortement ; en raison
d'un contexte économique difficile (diminution des loisirs, pauvreté) et d'une
image archaïque attachée au canoë (moyen de transport rustique et dépassé). La
pratique et la construction de canoë cessent presque totalement. Les anciens
canoës sont abandonnés en objets de décoration. L'intérêt du canoë ne perdure
que dans de rares camps de jeunes (canoë traditionnel), ou bien auprès de la
bourgeoisie (canoë de lac en bois précieux).
L'intérêt
pour le canoë récréatif réapparait à partir des années 1950, en raison de
développement technologique (canoës modernes, plus solides et moins chers), et
d'une démocratisation des loisirs. Au Canada, la diversité des nouveaux loisirs
et sports ne donne plus au canoë la place centrale qu'il avait par le passé, et
la majorité des pratiquants se détachent de l'origine historique et des liens
culturels du canoë. Dans le même temps, les sports et pratiques en rivières se
diversifient avec l'apparition d'autres types d'embarcation (kayak, raft,
sit-on-top, SUP, canot à moteur).
Constructions modernes
La majorité
des canoës sont aujourd'hui fabriqués en fibre de verre, en kevlar, en ABS
(Royalex, Royalite, …). Il existe aussi de magnifiques constructions faites en
bois par des artisans (en cèdre et de cèdre entoilé). Ils présentent l'avantage
d'être relativement légers ; on s'en sert donc pour avoir accès à des lieux
reculés. Au contraire d'autres canots et barques, le canoë peut se porter
aisément, ce qui permet de contourner les obstacles (rapides, chutes, maigres,
espace de terre entre deux lacs).
Un canoë de
taille moyenne mesure environ 5 m. Les canoës de cette longueur conviennent à
l'utilisation en solo ou en duo. Les groupes d'une dizaine de personnes peuvent
utiliser un rabaska, plus long et plus large, qui mesure autour de 8 à 9 m. Les
amateurs d'eau vive utilisent plutôt des canoës courts, et plus gironnés,
généralement construits en ABS.
On oublie
souvent qu’il existe aussi, et ce depuis belle lurette, des canoës en
aluminium. À ma
connaissance il n’existe que trois constructeurs : Grumman (États-Unis, 1945 ! ;
importateurs en Europe : Royaume-Unis, Suède), Osagian (États-Unis, début
des années 80, montés pour l’Europe au Danemark afin de réduire les frais de
transport et de dédouanement) et Linder (Suède, 1981). Nous avons détaillé les avantages de l'aluminium sur la page Matériaux.
Le canoë est
utilisé pour des promenades, et parfois pour de longs voyages. Le canoë-camping consiste en un séjour de plusieurs jours en
canoë en autonomie. Le canoë-camping permet de découvrir des lieux sauvages et
isolés, et de vivre au cœur de la nature. L'activité peut présenter différents
niveaux de difficulté, en fonction du choix de l'itinéraire et du rythme, du
familial à l'extrême. On utilise généralement des canoës de longueur moyenne,
avec un giron modéré, qui offre un maximum de polyvalence. Le canoë est
idéal pour accéder à des lieux reculés, puisqu'il est léger et se porte
facilement (?).
On distingue
plusieurs disciplines sportives faisant usage du canoë en eau calme ou vive.
Dans le premier cas, une seule discipline est pratiquée : il s'agit de la
course en ligne, olympique depuis 1936. On y course le canoë à une place (c-1),
à deux places (c-2), à quatre places international (I-C-4) et dans le cas du
Canada, le canoë à quatre place (c-4) Canadien ainsi que le canoë à 15 places
(c-15) sont ajoutés. La course en ligne est pratiquée sur des distances de 1.000
m, 500 m et 200 m. Pour ce qui est de l'eau vive, il existe plusieurs
disciplines, dont les deux principales sont la descente de rivière et le
slalom. Ce dernier est olympique depuis 1992 après l'avoir été à Munich en
1972.
En eau-vive,
le céiste doit utiliser différentes techniques pour tirer profit des courants,
contre-courants, vagues, etc. Cette activité se pratique en rivière naturelle
ou artificielle. À moins de s'intégrer dans un itinéraire de canoë-camping, on
utilise de préférence un petit canoë fortement gironné, pour un maximum de
manœuvrabilité. L'eau vive présente un réel danger, et il est important de
prendre toutes les précautions nécessaires à cet environnement.
Les chasseurs et pêcheurs qui recherchent ces lieux utilisent donc
fréquemment le canoë, ou le canoë tronqué (freighter), dont l'arrière ne se termine pas en pointe, mais possède un
tableau sur lequel on peut installer un petit moteur.
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